vendredi 17 avril 2015

TOLÉRANCE


N’est-ce pas par le regard de l’Autre
que nous existons vraiment ?*




Dans le grand salon du navire Funchal, qui conduisait la croisière à travers la Méditerranée, un prestigieux panel d’orateurs tenait les auditeurs sous son charme. Dans le sillage de la civilisation arabo  andalouse, Michel del Castillo pour la littérature, Michel Terrasse pour l’Histoire et l’archéologie, Simon Claude Mimouni pour l’histoire des religions méditerranéennes, donnaient une âme à ce voyage.
Journaliste, spécialiste du Proche Orient, le franco-libanais Antoine Sfeir témoignait au plus près de l’actualité des peuples mêlés de la Méditerranée. Rebondissant sur un terme souvent évoqué à propos de l’Andalousie musulmane, « la tolérance », il expliqua l’évolution du mot , depuis le « tolero » latin qui signifie « supporter », jusqu’à la marge d’erreur acceptée au Moyen Age dans les dosages, aussi bien de l’or des orfèvres que des drogues des apothicaires.
Il en arriva à la « tolérance » du dialogue inter religieux, soulignant ce que le mot pouvait avoir de condescendant. « Certains penseurs laïques, disait-il, lui préfèrent l’expression :  reconnaissance de l’autre tel qu’en lui même dans son altérité ».

Et pour illustrer ce propos, il nous livra un souvenir de sa jeunesse libanaise :
« Quand à l’aurore, j’entendais l’appel du muezzin, je me disais : il est temps de me lever. Lorsqu’en m’habillant j’entendais les cloches de l’église, je me disais : si je ne me hâte pas, je vais être en retard. Lorsqu’en passant devant la synagogue, je voyais le rabbin ouvrir les portes, je me disais : plus la peine de courir. Tu as raté le car. »

Devant la drôlerie de la chute, toute la salle se mit à rire.

Les coudes sur la table, enfouissant sa tête entre les mains , Antoine Sfeir  tentait de cacher sa douloureuse émotion.


*A. Sfeir